Biographie de l’architecte

(1911-1996)

L’architecte Bernard Zehrfuss, membre de l’Institut, secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts, est mort le 3 juillet 1996.

Né le 20 octobre 1911 à Angers, il avait été l’élève du célèbre « patron » Emmanuel Pontremoli. Il reçut en 1939, juste avant la guerre, le premier grand prix de Rome, mais la villa Médicis était alors repliée à Nice et lui-même mobilisé. À son retour, il assista Eugène Beaudouin à l’école des Beaux-Arts de Marseille – où s’étaient installés nombre d’élèves qui ne souhaitaient pas retourner en zone occupée – et anima l’atelier d’Oppède-le-Vieux, où étaient réunis des musiciens, peintres, sculpteurs et architectes. Là ils élaborèrent un grand projet fondé sur le renouveau des métiers, qui fut exposé à Vichy et leur valut une subvention de l’État français.

Grâce au prix de Rome, Zehrfuss obtint un laissez-passer afin d’étudier le futur Institut français de Barcelone. Engagé à Madrid dans les Forces françaises libres, il se rendit en 1943 à Alger, d’où il fut envoyé en Tunisie. D’abord chargé d’expertiser les dégâts occasionnés par la guerre, il fut nommé directeur du service d’architecture de la direction des Travaux publics de ce protectorat français, poste qu’il occupa jusqu’en 1947. Outre les plans de reconstruction des villes les plus abîmées, comme Sfax et Bizerte près de laquelle il traça la ville nouvelle de Zarzouna, il dirigea le plan d’extension des autres agglomérations, la conception et la réalisation de tous les édifices publics, plans types d’écoles, ensembles de logements, dispensaires et marchés. Il y signa plus particulièrement le cimetière militaire de Gammarth et l’immeuble de la Sûreté. Après l’indépendance, il dressa le plan général de la faculté de Tunis, au sein de laquelle il construisit la faculté des sciences (1960-1963).

Dès son action tunisienne, où il déclarait vouloir « introduire quelques-unes des idées essentielles de la Charte d’Athènes » (qu’il avait découvertes durant la guerre), prévalaient les critères fonctionnalistes : rationalité, orientation, lumière et salubrité. Il exerça ensuite en Algérie, construisant notamment des ensembles de logements, avant de se heurter à l’hostilité de Fernand Pouillon, appelé par le maire d’Alger, Jacques Chevallier, en 1953.

Conçu avec Pier Luigi Nervi et Marcel Breuer, le palais de l’U.N.E.S.C.O. (Paris, 1952-1958) reste son grand œuvre : un majestueux immeuble en Y, dressant des façades à brise-soleil de verre sur des pilotis de béton, et une superbe salle des conférences autonome, en béton plissé en accordéon. Zehrfuss en bâtira les extensions successives.

Il participa ensuite à la réalisation du Centre national des industries et des techniques, C.N.I.T., à la Défense (1954-1958), en association avec Robert Camelot et Jean de Mailly, les ingénieurs Jean Prouvé pour la façade de verre, et surtout Nicolas Esquillan, inventeur de l’extraordinaire voûte tripode à double coque mince qui reste l’un des chefs-d’œuvre des années 1950.

Avec les deux mêmes confrères, il fut l’auteur d’une première esquisse pour l’aménagement de l’axe de la Défense, dès le milieu des années 1950, du premier plan-masse officiel de l’opération (1957-1958), puis (avec Paul Herbé et Robert Auzelle) d’un second en 1960, approuvé en 1964. C’était un délicat mélange de modernisme et de composition classique proposant des jeux de symétrie tempérée, des tours qui eussent toutes culminé à 100 mètres et des ensembles de logements organisés autour de cours carrées inspirées du Palais-Royal. Avec, faisant face au C.N.I.T., une spectaculaire tour-signal quadripode de 200 ou 250 mètres de hauteur, « un équilibre de volumes et non une symétrie ». Le plan fut abandonné à la fin des années 1960, au profit d’un jaillissement plus libéral et plus spontané des tours, et le signal dont il rêvait au profit de la proposition faite en 1971 par Ieoh Ming Pei pour le site de la Tête-Défense. Jusqu’à la fin de sa vie, il regrettera cette « composition » architecturale « gâchée par la spéculation ».

Le quartier du Haut-du-Lièvre (1959-1963), sur un plateau surplombant Nancy, est également caractéristique du formalisme qui présidait à la conception des grands ensembles français des années 1950, mélange d’académisme et de rationalisme moderne. Il groupe quelque 3 000 logements, dont plus de 1 600 dans deux barres qui totalisent plus de 700 mètres linéaires de façade. « Toute la composition de ce nouveau centre se rattache à la composition classique de Nancy, écrivit l’architecte. [Elle] est donc volontairement rigide, sévère même. Nancy, ville d’ordre et de tradition, n’aurait pu supporter un ensemble baroque à ses portes. »

On lui doit l’usine Renault et la cité de Flins (1950-1958), l’imprimerie Mame à Tours, les sièges de Sandoz à Rueil-Malmaison (1968), Siemens à la Plaine-Saint-Denis (1972), Garonor à Aulnay-sous-Bois (1967), Jeumont-Schneider à Puteaux (1976). Mais aussi l’ambassade du Danemark à Paris (1970) et celle de France à Varsovie. Enfin le beau musée de la Civilisation gallo-romaine de Lyon (1972-1975), construit autour d’une rampe qui, sur 300 mètres, s’enfonce dans le sol, sous de sombres ossatures de béton brut, avec des canons à lumière offrant quelques vues sur le site archéologique de Fourvières.

— François CHASLIN

POUR CITER L’ARTICLE

François CHASLIN, « ZEHRFUSS BERNARD – (1911-1996) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 20 avril 2023. URL : http://www.universalis-edu.com.accesdistant.sorbonne-universite.fr/encyclopedie/bernard-zehrfuss/